Face à l’érosion côtière, notamment sur les plages sableuses, certaines communes littorales, comme celle de La Seyne-sur-Mer, recourent à une méthode apparemment simple : utiliser en été le sable stocké en arrière-plage, après avoir été excavé à l’aide d’engins mécaniques dans les parties basses de la plage (retroussement) en automne.
Souvent présentée comme une solution écologique, car elle réemploie un sable marin local, cette pratique, répétée chaque année, entraîne en réalité des effets géomorphologiques et écologiques préoccupants.
Une altération de la dynamique naturelle
Les excavations de sable dans l’étage médiolittoral, zone soumise à l’action des vagues, perturbent la dynamique sédimentaire naturelle. Ce déséquilibre contribue paradoxalement à l’érosion de la plage sur le long terme, tout en appauvrissant la biodiversité.
Plage ses Sablettes : l’enlèvement du sable de l’étage médiolittoral de la plage, suivi de son retroussement en arrière-plage, où sont créées des dunes et un cordon artificiel du côté du port de Saint-Elme. Le sable est extrait par pelleteuses dans cette zone riche en biodiversité, où vivent annélides, crustacés, mollusques, coléoptères et où se nourrissent de nombreux oiseaux. Ces interventions détruisent directement cette faune, pourtant essentielle au bon fonctionnement du milieu.
Une marche sur la plage ! Un déséquilibre persistant
Plage ses Sablettes : La zone excavée reste visible sous la forme d’une « marche » qui persiste tout l’hiver. Ironiquement, ce ne sont pas les dunes artificielles qui protègent la plage des tempêtes, mais bien les banquettes de Posidonies, naturellement échouées sur la partie basse de la plage.
Le stockage du sable sous forme de cordons ou de dunes artificielles en arrière-plage perturbe profondément le fonctionnement naturel du littoral. Le sable y devient rapidement sec et compacté, rendant le milieu impopre à la faune et à la flore typique des dunes. Ces cordons bloquent aussi les échanges naturels entre la mer et la terre, altérant les dynamiques écologiques locales.
Sable transporté, plage artificialisée
Plage ses Sablettes, secteur Mar-Vivo : Le sable est ensuite transporté par camions-bennes pour recharger les zones érodées de Mar-Vivo. Réparti et tassé mécaniquement par les engins de chantier, il forme une surface bien plane mais artificiellement compactée. Au contact de l’eau, ce sable sec forme des flocs flottant à la surface de la mer, qui dérivent vers le large. Aucune barrière anti-turbidité n’a semble-t-il été installée, ce qui augmente les risques d’ensablement et de turbidité pour l’herbier de Posidonies, situé à seulement 60 mètres de ce secteur de la plage.
Des impacts durables, pour un résultat éphémère
Plage ses Sablettes : Le lendemain matin, un dépôt crémeux apparaît sur la plage. Un reprofilage est ensuite effectué pour lisser le sable, suivi d’un passage d’engin de nettoyage pour retirer les déchets redevenus visibles. Ces dernières interventions modifient la structure du sable (compacité, capacité de drainage) et détruisent une nouvelle fois la faune qui s’était réinstallée et qui vient d’être ensevelie sous les recharges de sable.
Le rechargement et reprofilage altèrent profondément les habitats naturels. À force d’uniformiser les plages, ces pratiques affaiblissent leur résilience face aux aléas climatiques. Elles donnent aussi une illusion de stabilité, masquant le recul réel du trait de côte.
Une fuite en avant coûteuse
Ces opérations, onéreuses et à l’efficacité temporaires, doivent être recommencées chaque année. Le sable réinjecté est rapidement emporté par les tempêtes, entraînant un cercle peu vertueux mobilisant des ressources humaines, matérielles et financières, détruisant la biodiversité locale… sans régler le problème de fond.
Après reprofilage, des débris de vie marine et déchets plastiques réapparaissent dans le sable. Malgré cela, certains continuent à qualifier ces opérations de "ré-ensablement écologique". Devinez qui ? Eh oui…
Changer de cap : restaurer plutôt que recharger
Il est plus que temps de repenser notre rapport aux plages. Plutôt que de chercher à les « domestiquer » par des opérations mécanisées répétées, adoptons des approches plus douces :
- restauration des milieux naturels,
- relocalisation des infrastructures exposées,
- et acceptation de l’évolution naturelle du trait de côte.
C’est dans cette voie que se trouve la résilience véritable.