Maurice Genevoix (1890-1980), normalien, soldat de la bataille de la Marne et de la marche sur Verdun, grièvement blessé et mutilé, mémoraliste aux témoignages intransigeants, humaniste chantre de « l’invincible espérance des hommes », écrivain naturaliste, académicien…

Il entre ce mercredi 11 novembre 2020 au Panthéon. Il n’y a pas de public, mais avec lui, « Ceux de 14 », l’accompagnent dans ce sanctuaire républicain et laïque. Les jeunes de sa génération dont il a raconté dès 1916 le sort et immortalisé les souffrances et la mort lors de cette guerre terrible entre peuples européens, devenue mondiale. Ses carnets de guerre Sous Verdun (1916), Nuits de guerre (1917), Au seuil des guitounes (1918), La boue (1921) et Les Eparges (1923) sont réunis sous le titre « Ceux de 14 » et publiés en 1949.

Maurice Genevoix, observateur très attentif, très subtil, très profond de la vie des champs et des forêts dessine également abondamment la nature. Dans son style descriptif, il écrit de véritables hymnes aux habitants du Val de Loire et de la Sologne de son enfance, aux bêtes de la forêt, aux eaux du fleuve et des étangs dans Raboliot, La boîte à pêche (1926), Rroû (1931). Il rédige une série de récits consacrés à la nature avec La Loire, Agnès et les garçons (1962), La forêt perdue (1967), Images pour un jardin sans murs (1968), Tendre bestiaire (1969), Bestiaire enchanté (1970), Bestiaire sans oubli (1971). Dans Tendre bestiaire, Maurice Genevoix écrit ‘’Oui les bêtes parlent. Celui-là seul oserait le nier qui pas une fois en sa vie n’a regardé les yeux d’un chien’’.

En 1977, l’académicien invité de la télévision suisse raconte ses liens avec la nature, sa passion pour la Loire amis aussi son expérience de la mort : celle des hommes à la guerre, celle des animaux à la chasse. « Quand j'ai vu mourir les premiers êtres jeunes, des hommes, mes semblables, j'ai pensé -j'étais normalien, je pensais à Homère, vous savez, 'les ombres de la mort'- mais cette espèce de brume bleuâtre qui envahit progressivement l'œil d'une perdrix tuée ou d'un jeune soldat tué, c'est exactement la même chose. Alors je n’ai pas besoin de vous dire que depuis que j'ai utilisé des fusils, ou plutôt comme nous officiers qui avions un revolver d'ordonnance, et que j'ai tiré sciemment, consciemment sur des hommes, je n'ai plus chassé parce que j'ai considéré que c'était un peu du même ordre ».

Cette compréhension de la souffrance des non-humains en fait un avant-gardiste de l’antispécisme et de l’expérience avec le monde vivant pour se mettre en capacité de ressentir ce que l’autre ressent.

Dès 1939, il se rend compte que « la main de l’homme va faire du mal à l’environnement ». Ses réflexions sur les liens entre l’homme, la nature et la culture, son aspiration à une écologie « sensualiste » et son goût de l’engagement l’amène à dénoncer les monocultures à l’américaine, l’éradication des espèces animales, à s’inquiéter de l’urbanisation à outrance et de la bétonisation de la planète (pour en savoir plus lire Maurice Genevoix, suivi de Notes des temps humiliés par Aurélie Luneau- Jacques Tassin et Maurice Genevoix, l'écologiste par Jacques Tassin).

Maurice Genevoix est mort le 8 septembre 1980, le président Giscard d'Estaing le salue alors : «Aimant et exaltant la nature sous toutes ses formes, il était le premier de nos écologistes», un écologiste visionnaire et humaniste. C’est encore un bobo-écolo qui est honoré au Panthéon pleureront certaines éminences de la commune !

Jacques Tassin raconte que sur son bureau, on trouva ‘’trois derniers octosyllabes écrits à l’évocation d’un chardonneret : ‘’Un peu de rouge autour du bec, un peu de jaune au bord des ailes. Et soudain, c’est la poésie’’… Hommage

photo 1   Collection Suquet

Hopital militaire de Saint Mandrier - Nouveaux pavillons A et B construits en 1914 à l'occasion de la guerre

photo 2   Collection Suquet

Courrier optimiste du 11 décembre 1914 d'un soldat en convalescence dans l'hôpital "Les nouvelles de la guerre sont assez bonnes, et peut-être cela aménera plus vite la paix"... Ce ne sera malheureusement pas le cas