Le gouvernement voudrait-il profiter du confinement pour passer en force des projets destructeur de l’environnement ?

La consultation du public via une enquête publique est obligatoire quand un projet affectant l’environnement est projeté. Durant cette enquête, le dossier descriptif du projet, est mis à la disposition du public sur internet, mais aussi sous format papier dans les mairies, et la tenue de permanences par le commissaire-enquêteur qui coordonne le processus. Elle est requise pour des projets de construction d’un grand élevage, d’une usine potentiellement polluante, de toute nouvelle infrastructure importante, d’un nouveau Plan local d’urbanisme (PLU), etc.

Durant la période de confinement et celle de déconfinement partiel, les enquêtes publiques ont été suspendues, sauf cas exceptionnel suivant les conditions définies par l’ordonnance du 25 mars 2020. Les conditions étaient assez restrictives puisqu’il fallait que l’arrêt de la procédure risque « d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent ». Cependant, une nouvelle ordonnance, prise le 15 avril 2020 élargie les conditions aux « enjeux de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé et de la salubrité publique, de sauvegarde de l’emploi et de l’activité et de préservation de l’environnement » listant les procédures concernées par l’exception.

Cette dernière ordonnance « permet des enquêtes publiques au rabais pour autoriser au plus vite des projets destructeurs », a dénoncé l’association France Nature Environnement (FNE) dans un communiqué. « C’est comme si la consultation du public était une formalité dont il faut s’acquitter le plus vite possible », juge Morgane Piederrière, juriste à l’association. « Nous sommes très inquiets du message que cela envoie, … Cela couvre désormais plein de situations. Ils ont dû se rendre compte que les conditions de départ étaient trop restrictives, et ont dû subir des pressions pour élargir. »

Mener une enquête publique en temps de confinement signifie qu’elle se tiendra seulement par « voie dématérialisée ». Les citoyens et les associations ne pourront donc pas rencontrer le commissaire-enquêteur, ni participer à des réunions publiques, ni aller consulter en mairie les dossiers qui comptent en général plusieurs centaines de pages sous format papier. « Gérer l’environnement uniquement par voie numérique est discriminatoire », estime Brigitte Chalopin, présidente de la Compagnie nationale des commissaires-enquêteurs (CNCE). « L’Insee a rappelé récemment que beaucoup de personnes (12 %) ne sont pas connectées ». « La suspension des délais en matière de participation du public a été raccourcie au motif qu’elle retarderait la reprise économique. Ainsi, la participation du public est-elle considérée comme un frein inutile et un droit secondaire », déplorent la CNCE et la Commission nationale du débat public (CNDP) dans un communiqué commun. M. Philippe Ledenvic, président de l’Autorité environnementale, s’inquiète lui aussi : « On peut comprendre qu’il y ait des exceptions en raison de la crise sanitaire, mais il faut qu’elles soient limitées, motivées, encadrées. Il est nécessaire de définir de façon plus précise le cadre de dérogation. Et d’évaluer ensuite les effets des décisions qui auront été prises pendant le confinement. »

Pour faciliter la reprise économique, pourquoi perdre du temps à débattre avec le public ? « Avant la crise sanitaire, il y avait déjà dans les tuyaux des textes qui prévoient d’aller vers le 100 % numérique et une diminution de la participation du public parce que cela prend du temps », observe Chantal Jouanno, présidente de la CNDP. « Or, la période de l’après-confinement peut être très longue, et la tentation pourrait être de dire que, pour faciliter la reprise économique, on peut faire moins de place à la participation du public » …

Source, pour en savoir plus : https://www.fne.asso.fr/communiques/crise-sanitaire-la-liste-des-atteintes-%C3%A0-la-protection-de-lenvironnement-sallonge

Lecture suggérée : La Stratégie du choc : la montée d'un capitalisme du désastre (titre original : The Shock Doctrine : The Rise of Disaster Capitalism) est un essai socio-politique altermondialiste publié en 2007 par la journaliste canadienne Naomi Klein.