Dans la vie, rien n'est à craindre, tout est à comprendre (Marie Curie)

A partir du 26 avril 1986, l’explosion initiale puis l’incendie pendant 10 jours du combustible nucléaire du réacteur n°4 du centre de Tchernobyl, ont libéré une grande quantité de radionucléides artificiels dans l’environnement (voir référence AIEA-1). Ces radionucléides se sont rajoutés à la grande quantité déjà présente naturellement dans l’atmosphère, les eaux et la terre mais aussi dans notre corps.

En effet, le corps humain contient des radionucléides, notamment le potassium-40 et le carbone-14, dont huit mille atomes se désintègrent par seconde dans nos tissus. Pour rappel, le becquerel (Bq) est l’unité de mesure de la radioactivité, il représente le nombre de désintégrations par seconde, le potassium-40 et le carbone-14 représentent donc une activité de l’ordre de 8 000 Bq dans le corps d’une personne de 70 kg.

Les activités des différents radionucléides libérés pendant les 10 jours qui suivirent l’explosion sont importantes : ainsi un total d'environ 14 exaBq, soit 14 milliards de milliard de becquerel de substances radioactives sont émises principalement dans l’atmosphère. Ce sont des isotopes de l’iode (1,8 exaBq), du césium (0,085 exaBq), du strontium (0,01 exaBq) et du plutonium (0,003 exaBq). Les gaz rares ont contribué à environ 50% du total de la radioactivité libérée dans l’environnement (voir référence AIEA-2).

Après 5 jours de transport par les vents, dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1985 les radionucléides contenus dans le panache radioactif provenant de la centrale nucléaire de Tchernobyl, atteignent le littoral méditerranéen français et les retombées radioactives contaminent notre région.

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La simulation numérique reconstitue la trajectoire du panache radioactif créé par les émissions de radionucléides à la suite de l’explosion et de l’incendie du réacteur nucléaire n°4 de la centrale de Tchernobyl le 26 avril 1986 et montre que le panache atteint l’atmosphère des alpes françaises le 30 avril vers 13h00 puis celui du littoral toulonnais à partir de 1h00 du matin le 1er mai 1985.

https://youtu.be/45SijT5S1zo

L’augmentation de la radioactivité de l’atmosphère est détectée progressivement par les instruments de surveillance des sites nucléaires civils et militaires français. A cette date, une équipe du service du Service d’études et de recherche Environnement du Commissariat à l’énergie atomique occupait des locaux du site Ifremer de la Seyne sur mer. Cette équipe dépendait du centre CEA de Cadarache et travaillait principalement sur des projets de recherche pour préciser les cinétiques de contamination des algues et animaux marins par les métaux et radionucléides. Transférée à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, cette antenne a été fermée en 2016.

humourDès l’annonce de l’accident, les scientifiques de l’équipe se mobilisent pour établir les niveaux de radioactivité du littoral méditerranéen en appui du Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) dépendant du ministère de la Santé et en charge de la protection des populations des dangers des rayonnements ionisants.

Les scientifiques adaptent immédiatement leurs équipements pour réaliser des mesures de la radioactivité des échantillons d’aliments qui leur sont soumis pour contrôle et organisent des campagnes de prélèvements d’échantillons d’eau, de sédiments, d’algues, de posidonies, des moules et de poissons.

A la suite des retombées, sans surprise, les résultats de l’équipe montrent une augmentation significative de la radioactivité artificielle des aliments et des toutes les composantes de l’environnement. Les principaux radionucléides détectés sont l’iode 131 (131I), les isotopes 103 et 106 du ruthénium (103Ru, 106Ru), l’argent 110m (110mAg), les isotopes 134 et 137 du césium (134Cs, 137Cs), les isotopes 141 et 144 du cérium (141Ce, 144Ce).

Fig 1 Evolution radioactivité atmosphèrique Cadarache Capture

Evolution de l’activité du 137Cs (exprimée en Bq/m3) des aérosols atmosphériques prélevés du 31 avril au 8 mai 1986 sur le centre de CEA-Cadarache. L’encart montre les enveloppes des trajectoires suivies par les émissions atmosphériques successives issues du réacteur n°4 du site de Tchernobyl (source CEA-5584)

Fig 2 Evolution moyenne du 137Cs dans l'atmosphère en France 1959 2000 V2

Evolution décadaire de l’activité volumique moyenne du 137Cs (exprimé en microBq/m3 d’air) des aérosols prélevés à 5 stations en France entre 1959 et 2000 (Source : IRSN).

Le césium 137 ayant été émis et dispersé dans l’environnement à partir des premiers essais d’explosions d’engins nucléaires dans l’atmosphère il est détecté depuis les années 50 dans l’environnement français, donc bien avant l’accident de Tchernobyl. Aussi, le niveau moyen de la radioactivité en césium 137 de l’atmosphère en France augmente d’un facteur 100 000,  passant de 1 microBq/m3 à près de 0,1Bq/m3 la première décade de mai 1986 pour décroitre ensuite très rapidement à moins de 1 mBq/m3 à la fin du mois de mai. Les niveaux en 137Cs des aérosols atmosphériques mettront plus de 10 ans pour repasser sous la barre de 1 microBq/m3.

Les radionucléides associés aux retombées atmosphériques sur la surface de la mer sont rapidement dispersés dans la couche de surface des eaux marines puis atteignent progressivement les fonds marins contaminant les algues et animaux.

Fig 3 Radionucléides détectés dans les algues à Toulon 6 juin 1986 Capture

Activité massique (Bq/kg en poids sec) des différents radionucléides détectés dans un échantillon d’algues vertes Ulva sp. prélevé dans la rade de Toulon et évolution du 103Ru et du 137Cs sur les 12 mois suivants (source : Rapport CEA-5587).

La radioactivité des radionucléides va rapidement décroitre dans l’environnement marin en fonction du niveau de l’activité initiale du radionucléide, de sa période radioactive (temps nécessaire pour que la moitié des noyaux d’un radionucléide se désintègrent naturellement) et de sa capacité à se diluer dans la colonne d’eau et/ou se reconcentrer dans les organismes vivants.

Ainsi par exemple, dans les algues et moules prélevées dans la rade de Toulon, les radionucléides avec les périodes radioactives les plus courtes, comme le 132Te de période de 3 jours ou 131I de période de 8 jours, disparaissent très rapidement dès la fin du mois de mai, le 103Ru de période radioactive de 39 jours va disparaître après 6 mois tandis que le 137Cs de période de 30 ans est encore sporadiquement détecté aujourd’hui à des niveaux très faibles.

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Evolution de l’activité massique (Bq/kg en poids sec) du 106Ru, 103Ru, 137Cs, 134Cs et 110mAg dans des échantillons de moules prélevés dans la rade de Toulon de février 1986 à février 2020. L (source : d’après Rapport CEA-5587 et site ASN-RNM).

Concernant les retombées au sol, les mêmes radionucléides contaminent les différentes composantes de l’environnement terrestre naturelles, agricoles et urbaines. Les mesures de la radioactivité ont essentiellement porté sur des échantillons de sols, de végétaux et d’aliments récoltés et produits localement (champignons, baies, légumes, gibier, lait).

Comme dans le milieu marin, la radioactivité de ces radionucléides a évolué au cours du temps, en fonction de leurs propriétés, du type de sol et de la végétation. Aujourd’hui, seuls le 137Cs est détecté dans les sols à des niveaux variables mais qui peuvent parfois atteindre, très localement, des niveaux significatifs comme c’est le cas dans les Alpes dans le parc du Mercantour où, à des altitudes supérieures à 2000 mètres, des valeurs maximales de l’ordre de 100.000 Bq/kg sont toujours observées.

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